L'homme des cavernes était une femme

"C'est comme ça depuis la préhistoire : les femmes s'occupent de la maison et les maris chassent"

C'est l'un des arguments les plus entendus lorsqu'on parle d'égalité des sexes.

Sous-entendu : il ne pourra jamais y avoir d'égalité parfaite puisque, naturellement, les femmes ne sont pas faites pour travailler, mais pour s'occuper du foyer.

Dans cet email, on va démolir ce mythe 🥊

Tu pourras t'en servir pour répondre à tonton Jojo qui sort ça à table en toute détente.

Le temps des cavernes n'est pas celui qu'on croit

Lorsqu'on fait référence aux cavernes, on parle du paléolithique. L’époque démarre au début de l'apparition des outils en pierre et se termine à la sédentarisation des populations.

Les recherches montrent que nous étions alors déjà organisés en société. Nous habitions dans des structures en bois ou en peaux.

Ce n'était pas du tout un "état de nature" dépourvu d'organisation. Au contraire, la vie en groupe était déjà structurée.

Dire que le temps des cavernes correspond au moment où nous étions régis uniquement nos instincts est totalement faux.

Le rôle fantasmé des femmes

Dans ce contexte, le rôle de la femme est soit invisibilité : elles ne sont pas montrées dans les images, dans les histoires, dans l'évolution.

Soit, caricaturée : dans les manuels scolaires ou les représentations, elles sont cantonnées aux rôles dans la cuisine alors que les hommes, eux vont à la chasse.

La chasse est une activité mineure

Le cliché de l'homme qui partait chasser de mammouth pour nourrir sa famille est d'autant plus faux qu'à l'époque, la viande consommée provenait de cadavres d'animaux déjà tués par des prédateurs ou par le manque d'eau.

La chasse en tant que telle arrive bien après.

Et, elle concerne majoritairement les animaux de petite taille. Les Hommes chassaient en groupe et les femmes s'occupaient de suivre les empreintes ou de poursuivre les proies.

Elles contribuaient largement à cette activité.

Mais, c'est avant tout les végétaux qui servent de nourritures aux humains.

Seulement 30% de l'alimentation provenait réellement des animaux.

Les noix, les baies, les insectes constituent la majorité des protéines ingérées. Et, les femmes parcouraient des kilomètres pour les ramasser.

Elles entretenaient aussi un lien privilégié avec la flore qu'elles connaissaient bien.

L’utilisation des plantes comme moyen de guérison est probablement ce qui a engendré l’agriculture plusieurs milliers d'années plus tard.

C’est elle qui seraient à l’origine de cette activité.

L’Histoire n’est pas neutre

Si on en est arrivé à un tel écart avec la réalité c'est que, contrairement à ce qu'on pense : l'Histoire n'est pas neutre.

En d'autres mots, c'est les vainqueurs qui la racontent… en fonction de leur point vu ! Il existe donc d’énormes biais d'interprétation

La vision du rôle des femmes pendant la préhistoire vient du 19e siècle.

Dans un contexte ultra-sexiste, des historiens comme Felix Faure décrivent la préhistoire comme ceci (tiens-toi prête)

La femme à l'horizon bornée reste terrée au fond de la grotte vouée aux enfants, au foyer, à la reproduction et à la répétition du même. Elle fabrique des outils parce qu'elle est attachée la matière. Elle produit des objets de parure parce qu'elle est esclave du sexe et du désir de plaire. L'homme au contraire s'élève au-dessus de sa condition animale, regarde vers les lointains, va vers l'inconnu, contemple le ciel, invente l'art.

Cette citation montre à quel point l'interprétation est genrée. Donnant à l'homme le rôle le plus valorisé.

La Dame du Cavillon

Ces préjugés sont tellement ancrés qu'en 1872, un squelette fut inhumé dans une des grottes de Grimaldi - dite du Cavillon.

Le cadavre était robuste. Il était surtout orné de signes apparentés au pouvoir et à la richesse : une coiffe de coquillages, un collier de dents de cerfs, des lames de silex, un bracelet…

Les chercheurs l’ont baptisé “l’homme de Menton”.

Partant du principe que, puisqu’il semblait haut placé dans la société de l’époque, il était automatiquement de sexe masculin.

Plusieurs années plus tard, les scientifiques ont découvert que cet homme préhistorique était en réalité… une femme !

Ils l'ont renommée La Dame du Cavillon.

Le passé est interprété en projetant le schéma actuel

… On crée ainsi un biais de confirmation.

Le biais de confirmation est notre tendance à sélectionner uniquement les informations qui confirment des croyances ou des idées préexistantes.

En l’occurrence, les informations tendent à confirmer l’hypothèse de base : les hommes occupent les positions de pouvoir ou de richesse.

La préhistoire est une discipline qui a été fondée par des hommes pour des hommes, et qui est aujourd’hui encore majoritairement dominée par les hommes – il n’y a qu’à observer la proportion d’hommes qui occupe les postes de Professeur des Universités ou de Directeur de Recherche ou équivalent dans des institutions comme le FNRS (Fonds de la recherche scientifique) ou le CNRS (Centre National de Recherche Scientifique) par exemple." - Emmanuelle Honoré

C’est intéressant de voir à quel point nos biais sexistes nous poussent à interpréter l’Histoire sous ce prisme.

Ce qui a déclenché et entretenu ces clichés sur la préhistoire sont, d’une part : le manque de femmes dans les équipes de scientifiques et, d’autre part, la projection que nous faisons de notre système actuel.

Si la Dame de Cavaillon avait été découverte par une femme dans un mode plus égalitaire, elle n’aurait jamais porté le nom d’homme de Menton.

Conclusion

Loin d’être uniquement dédié au foyer, à la cuisine et à la reproduction, le rôle de la femme au temps des cavernes a été invisibilisé et caricaturé.

Les sociétés étaient relativement égalitaires. Les études récentes montrent qu’au paléolithique, les femmes avaient autant de pouvoir que les hommes.

L’argument anti-égalitaire disant qu’on est génétiquement programmées pour s’occuper du foyer et des enfants est donc archifaux !

En revanche, il y a bien eu un moment où l’homme a pris une position dominante entrainant les répercussions qui existe encore aujourd’hui.

C’est lors de la sédentarisation que tout tourne mal pour nous. Mais ça, c’est une autre histoire… (à venir :D)

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